Points saillants des décisions dignes d'attention

Décision 2566 11
2015-10-29
R. McCutcheon - B. Young - M. Ferrari
  • Abus de procédure
  • Préclusion
  • Droits de la personne
  • Invalidité attribuable à un traumatisme psychique
  • Déficience permanente [PNF]
  • Renonciation (droit à une indemnité) (règlement)
  • Perte de gains [PG] (licenciement)

Le travailleur avait subi une lésion au cou en 1999 pour laquelle il avait obtenu une indemnité pour perte non financière (PNF) de 19 %. Il avait eu un deuxième accident en janvier 2009, quand il avait glissé et était tombé, se blessant au cou et au haut du dos. Le travailleur était retourné au travail, mais il avait eu de la difficulté. L’employeur l’avait congédié en août 1999.

Le travailleur avait fait une plainte en vertu du Code des droits de la personne de l’Ontario (Code) pour harcèlement fondé sur un handicap et congédiement injustifié. La plainte avait été réglée, et l’employeur avait versé 12 000 $ au travailleur.
Le travailleur a contesté le rejet de sa demande d’indemnité en vertu de la Loi de 1997. La Commission a conclu que l’accident de 2009 avait occasionné une déficience permanente et que cette déficience serait évaluée une fois que le travailleur aurait atteint son degré de rétablissement maximum (RM). La Commission a aussi décidé d’examiner le droit à une indemnité pour invalidité attribuable à un traumatisme psychique (IATP). Quand elle a mis cette décision en œuvre, la Commission a fixé à 0 % le taux de l’indemnité pour PNF, et elle a conclu que le travailleur n’avait pas droit à une indemnité pour IATP ni à d’autres prestations pour perte de gains (PG). Le travailleur et l’employeur ont interjeté appel.
En s’appuyant sur les doctrines de common law de l’abus de procédure et de l’attaque indirecte, l’employeur a soutenu que les demandes d’indemnité liées à l’accident de 2009 étaient proscrites en raison du règlement obtenu par suite de la plainte en vertu du Code. Le règlement indiquait que les parties étaient au courant de leurs obligations et droits respectifs en vertu du Code et de la Loi de 1997 et que le travailleur déchargeait l’employeur de toute réclamation à l’origine de la plainte déposée en vertu du Code, y compris de celles fondées sur les lois énumérées dans le règlement.
La doctrine de l’abus de procédure a pour effet d’empêcher la réouverture de litiges dans des circonstances où les exigences strictes de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée ne sont pas remplies, mais où cela aurait néanmoins porté atteinte aux principes d’économie, de cohérence, de caractère définitif des instances et d’intégrité de l’administration de la justice. Deux conditions doivent être remplies pour établir l’existence d’un abus de procédure : les procédures sont oppressives ou vexatoires; elles violent les principes fondamentaux de justice sous-jacents au sens d’équité et de décence de la société.
L’argument de l’employeur fondé sur la doctrine de l’abus de procédure pouvait être rejeté pour plusieurs raisons. Surtout, selon l’article 16 de la Loi de 1997, toute entente prévoyant la renonciation à des prestations est nulle. Par conséquent, dans la mesure où le règlement de la plainte en vertu du Code était censé régler la demande d’indemnité d’assurance contre les accidents du travail, celui-ci était nul et sans effet en l’espèce. Quand il a appliqué le critère à deux volets relatif à l’abus de procédure, le comité a constaté qu’une instance visant des droits prévus dans la Loi de 1997 n’est ni oppressive ni vexatoire au sens de l’article 16 et qu’elle n’enfreint pas les principes de justice fondamentale.
Qui plus est, la doctrine de l’abus de procédure ne s’appliquait pas parce que le fond de la plainte en vertu du Code se distinguait manifestement de la nature des prestations et des redressements prévus dans la Loi de 1997. La plainte en vertu du Code visait du harcèlement fondé sur un handicap et un congédiement injustifié. La Loi de 1997 ne prévoit aucune indemnité pour congédiement injustifié. La Loi de 1997 n’est pas centrée sur la discrimination, mais plutôt sur le versement de prestations pour lésion corporelle subie au cours de l’emploi.
Le comité a fait référence à l’arrêt Colombie-Britannique (Workers' Compensation Board) c. Figliola. Selon cet arrêt, un organisme qui se prononce sur une question de son ressort et les parties en cause doivent pouvoir tenir pour acquis que, sous réserve d’un appel ou d’un contrôle judiciaire, non seulement la décision est elle définitive, mais elle est considérée telle par les autres organismes juridictionnels. Le comité a conclu que les faits en l’espèce se distinguaient de ceux visés dans l’arrêt Figliola. Dans cet arrêt, les travailleurs avaient soulevé les mêmes arguments devant un autre organisme pour essayer de contourner les décisions avec lesquelles ils n’étaient pas d’accord, mais, en l’espèce, la demande d’indemnité en application de la Loi de 1997 était distincte de la nature de la plainte déposée en vertu du Code.
Le comité a aussi fait référence à l’arrêt de la Cour divisionnaire Ontario (Community Safety and Correctional Services) v. De Lottinville. Dans cet arrêt, la Cour a noté que, dans le contexte du droit administratif, les doctrines de finalité de la common law doivent être appliquées avec souplesse pour maintenir l’équilibre voulu entre la finalité et l’équité, et elle a établi une distinction entre les questions en litige. En l’espèce, on pouvait dire que les questions en litige au Tribunal et les questions de droit de la personne se distinguaient encore plus clairement que dans l’arrêt De Lottinville.
L’employeur s’est aussi appuyé sur la doctrine de l’attaque indirecte. Le comité a estimé que cette doctrine ne s’appliquait pas. La demande d’indemnité d’assurance contre les accidents du travail ne visait pas à invalider le règlement conclu en vertu du Code.
Sur le fond, le travailleur avait droit à d’autres prestations pour PG. La preuve indiquait que la lésion avait joué un rôle dans le congédiement et que l’employeur au moment de l’accident ne pouvait pas fournir un travail approprié durable. La jurisprudence du Tribunal comporte deux approches relativement aux prestations pour PG après un congédiement. Compte tenu des circonstances en l’espèce, le travailleur avait droit à d’autres prestations selon l’une ou l’autre de ces approches.
Le travailleur présentait une déficience permanente dans le dossier de 2009. Le taux de 0 % de l’indemnité pour PNF était erroné puisqu’il était fondé sur des renseignements incohérents et incomplets remontant à avant l’intervention chirurgicale et le RM. Le travailleur avait aussi droit à une indemnité pour IATP.
L’appel de l’employeur a été rejeté. L’appel du travailleur est accueilli.