Points saillants des décisions dignes d'attention

Décision 2594 16
2018-01-11
R. McCutcheon
  • Compétence du Tribunal (fonctionnaire fédéral) (droit d’intenter une action)
  • Compétence du Tribunal (droit d’intenter une action) (Loi sur l’indemnisation des agents de l’État)

La demanderesse dans une cause civile travaillait pour Postes Canada comme assistante de facteur rural et suburbain (FRS). Elle prenait place sur le siège du passager et livrait le courrier pendant que le FRS conduisait le véhicule. Ils avaient été impliqués dans un accident de la route en avril 2011. La demanderesse avait intenté une action contre le FRS et le conducteur de l’autre véhicule.

Il fallait déterminer si la Loi sur la sécurité professionnelle et l’assurance contre les accidents du travail de 1997 (Loi de 1997) ou la Loi sur l’indemnisation des agents de l’État (LIAÉ), ou les deux, supprimait le droit d’action de la demanderesse. Dans cette décision, la vice-présidente a examiné la question préliminaire de la compétence du Tribunal à l’égard de la requête.
Aux termes du paragraphe 4 (1) de la LIAÉ, une indemnité est versée aux agents de l’État qui sont blessés dans un accident survenu par le fait et à l’occasion de leur travail. Selon le paragraphe 4 (2), l’employé a droit à une indemnité au taux et aux conditions prévus dans la législation de la province où il exerce habituellement ses fonctions. Aux termes du paragraphe 4 (3), l’indemnité prévue au paragraphe 4 (1) est déterminée par l’autorité établie par la loi de la province pour fixer l’indemnité des travailleurs autres que les fonctionnaires fédéraux. L’article 12 de la LIAÉ stipule que, quand un accident survient dans des circonstances ouvrant droit à une indemnité aux termes de cette loi, le travailleur qui a droit à une indemnité ne peut pas exercer d’autres recours contre Sa Majesté.
Le Tribunal tire sa compétence à l’égard des requêtes relatives au droit d’action de l’article 31 de la Loi de 1997, alors que les règles applicables pour déterminer si la Loi de 1997 supprime le droit d’action sont fixées par les articles 26 à 29 de la Loi de 1997.
La vice-présidente a examiné la jurisprudence concernant l’interprétation de la LIAÉ et de la législation provinciale.
Dans l’arrêt Martin c. Alberta, la Cour suprême du Canada a déclaré que la référence aux « conditions qu’elle fixe » au paragraphe 4 (2) de la LIAÉ visait à indiquer que les conditions régissant le droit des fonctionnaires fédéraux à une indemnité sont les mêmes que celles du régime provincial. En cas d’incompatibilité directe entre les lois provinciales et la LIAÉ, c’est la LIAÉ qui prime. Dans l’arrêt Morrison Estate, la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse a déclaré que c’est le dépôt d’une demande d’indemnité qui mobilise la législation provinciale. Plus récemment, dans l’arrêt Hill v. Tomandl, la Cour d’appel du Yukon a noté que la LIAÉ n’était pas fondée sur un compromis historique de la même manière que les régimes d’indemnisation provinciaux et que l’historique législatif ne permettait pas de conclure que la LIAÉ adoptait les dispositions relatives au droit d’action des législations provinciales.
La vice-présidente a aussi examiné la décision no 485/90 dans laquelle le Tribunal a conclu qu’il n’avait pas compétence pour régler les requêtes relatives au droit d’action aux termes de la LIAÉ ainsi que la décision no 771/16I dans laquelle le Tribunal a conclu qu’il avait compétence.
La vice-présidente a conclu que le paragraphe 4 (3) de la LIAÉ n’investit pas les commissions provinciales d’une compétence générale à l’égard des fonctionnaires fédéraux : il prévoit plutôt expressément que l’indemnisation aux termes du paragraphe 4 (1) est déterminée par les commissions provinciales. Il n’y a aucun texte législatif indiquant expressément, ou implicitement, que l’autorité conférée aux commissions provinciales s’étend de façon à appliquer l’article 12 de la LIAÉ aux parties à une action. La délégation d’autorité est limitée aux déterminations faites aux termes du paragraphe 4 (1), sans référence à l’article 12. Compte tenu de l’état actuel du droit, Hill v. Tomandl appuie de façon convaincante la prétention selon laquelle les dispositions relatives au droit d’action dans les lois provinciales ne s’appliquent pas aux actions intentées par des fonctionnaires fédéraux.
La vice-présidente a aussi noté le libellé des alinéas 31 (1) a) et b) de la Loi de 1997, lesquels font référence à la « présente loi », limitant ainsi la compétence du Tribunal aux dispositions de la Loi de 1997.
La vice-présidente a aussi fait remarquer que la constatation que le Tribunal n’est pas compétent ne laissait pas les parties sans recours. Dès qu’un demandeur relevant de la LIAÉ intente une action, toute partie peut demander à la Cour de se prononcer sur les droits des parties en vertu de la LIAÉ.
La vice-présidente a ensuite examiné si la compétence du Tribunal aux termes de l’alinéa 31 (1) c) de la Loi de 1997 de déterminer si un demandeur a le droit de demander une indemnité dans le cadre du régime d’indemnisation est incorporée dans la délégation de l’autorité décisionnelle aux termes du paragraphe 4 (3) de la LIAÉ et du libellé de l’article 12 de la LIAÉ.
Dans la décision no 485/90, le Tribunal a conclu que la détermination du droit d’action est connexe à une demande d’indemnité, plutôt que d’en être une partie intégrante. Le caractère prédominant de la compétence dépendait de l’action civile. L’arrêt Hill v. Tomandl semblait renforcer les conclusions tirées dans la décision no 485/90. Qui plus est, selon l’arrêt Morrison Estate, le dépôt d’une demande d’indemnité mobilise la législation provinciale. Contrairement au paragraphe 4 (3) de la LIAÉ, l’article 12 de la LIAÉ n’inclut aucune disposition indiquant comment procéder à une telle détermination.
La vice-présidente a conclu que le Tribunal n’avait pas compétence en l’espèce.